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BELIEVE

ÉLÉONORE SAINTAGNAN

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Exposition

au SHED - site de l'Académie

96 rue des martyrs de la résistance, Maromme

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PROLONGATION SUR RDV JUSQU'AU 1er DÉCEMBRE !

Les visites se font uniquement sur demande.

Nous contacter : mediation@le-shed.com /  06 51 65 41 76

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Vernissage 

Samedi 16 septembre 2023 à partir de 19h

 

Rendez-vous

Projection en présence de l’artiste de son film Camping du Lac, lauréat du prix du jury, festival du film de Locarno

+ d’infos ici

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Éléonore Saintagnan a fait beaucoup de vidéos, avant de réaliser des films. Des éléments sculpturaux « sortent » parfois de ses images, pour habiter des expositions : en papier mâché, en osier ou en céramique émaillée, ils sont souvent l’occasion de collaborations, comme avec les artisans d’Embrun, pour une exposition au centre d’art des Capucins (« Énigme Cousteau », 2021, curatée par Solenn Morel) : une feutrière, une vannière, une céramiste.

Éléonore venait alors de commencer ses recherches sur les lacs artificiels et préparait l’écriture d’un scénario de film, finalement tourné à l’été et l’automne 2022 : un film assez librement inspiré d’une nouvelle de Russell Banks. Je n’avais pas lu « The Fish », mais l’histoire de Camping du Lac m’a tout de suite fait penser au « Pays des aveugles », récit de H. G. Wells publié en 1904 : un homme ordinaire (qui voit) arrive dans une vallée où tout le monde est aveugle. Ce qu’il croit être un avantage décisif pour prendre le pouvoir s’avère un handicap insurmontable ; il est réduit en esclavage, les habitants, aveugles, jugeant que la vue est une tare : voir est fou.

Pourquoi donc évoquer cette histoire ? Peut-être parce que les œuvres filmées d’Éléonore empruntent souvent leur forme au conte ou à la parabole. Elle-même en est bien souvent la narratrice, identifiable à l’écran et/ou à la voix. L’action racontée s’affranchit très souvent de tout réalisme : plutôt que futuriste, le fantastique d’Éléonore Saintagnan réinvestit des croyances de nos campagnes avec leurs saints et saintes, qui déjà réactivaient des légendes païennes antérieures. Le temps y est ainsi épais et Éléonore semble dériver entre les époques, témoin amusé et bienveillant d’extravagantes vies humaines. Peut-être aussi, dans ses histoires, l’apparente fragilité des croyances collectives ébranle, voire renverse, la solide objectivité du réel : il y est question de prières, de miracles ou de phénomènes extraordinaires, observés avec une certaine candeur. Enfin, si l’action ne se fait pas sans dommages, la faute en est partagée, embrassant les personnages autant que l’auteur·trice, partie prenante de son propre récit. 

Alors, le travail d’Éléonore Saintagnan pourrait être lu à la lumière de cet intérêt pour la ou les croyances comme elle semble le revendiquer avec le titre de cette nouvelle exposition : qu’il s’agisse des manifestations de la foi, des contenus véhiculés par nos croyances héritées ou peut-être même de ce principe contractuel liant l’auteur·trice de fiction à son lecteur ou sa lectrice : « the willful suspension of disbelief » . Davantage que le simple suspens volontaire de notre incrédulité, d’ailleurs, les œuvres d’Éléonore appellent la complicité joyeuse d’un « on dirait que » aux accents d’enfance, auquel on serait invité·e à se laisser aller : d’un seul coup ragaillardi, notre patrimoine – ses monuments, ses personnages, ses rites – s’y marie à des pratiques contemporaines que nous croyons reconnaître et qui, là, doucement dénaturées, apparaissent étranges, comme exfiltrées d’un temps ou d’une rationalité donnés.

Pour compliquer l’affaire, cette connivence avec un quelque chose de fantastique s’exprime dans des formes qui ressemblent à un travail d’observation. Elles semblent le fruit d’une recherche anthropologique portant sur des communautés humaines évoluant dans un territoire donné, apparemment circonscrit, parfois marginal, qu’Éléonore invite à jouer : les personnages de ses fictions sont rarement incarnés par des comédien·ne·s professionnel·le·s mais plutôt par des figurant·e·s rencontré·e·s sur le lieu du tournage, des proches (son fils, son compagnon) ou les technicien·ne·s embauché·e·s pour ses films ; les actions qu’ils et elles réalisent à l’écran sont presque celles de leur vie quotidienne : faire la cuisine, jouer de la guitare, pêcher ou réparer des voitures. On pourrait alors voir ses œuvres comme des documentaires enregistrant les langues, les coutumes, les histoires que l’on se raconte. Elles parleraient notamment de la façon dont nous nous représentons le rapport qu’entretiennent nature et culture : comme cette déclinaison de goodies au poisson, sortis du film pour l’exposition, et que l’on pourra vraiment acheter : BELIEVE. Ainsi donc, tout est vrai et tout est faux.

 

Née le 31 décembre 1979 à minuit, Éléonore Saintagnan vit et travaille à Bruxelles.

 

Julie Faitot

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¹  Northrop Frye, 1957, Anatomy of Criticism.

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